Lettre d'Octave Sanspoux relatant le bombardement de Nivelles et son évacuation vers le sud de la France

Lors du bombardement du centre de la ville de Nivelles, en mai 1940, la plupart des Nivellois ont évacué vers la France. Une colonie nivelloise s'est retrouvée à Mirepoix. Octave Sanspoux en faisait partie. Ils sont partis de Nivelles avec quelques camions de la brasserie Duvieusart. Horace Piret, ami d'Octave, y travaillait comme chauffeur. Ils ont abouti chez les demoiselles Vaillant, à la "Cour Pons-Tande", à Mirepoix. La lettre ci-dessous reproduite, envoyée à M. et Mme Pécriaux, retrace le bombardement, l'itinéraire d'évacuation et ses aléas, la vie durant cette période. C'est un document historique

Mirepoix, 28 juin 1940

 

Cher Monsieur Pécriaux et Madame,

 

Une lettre !

D'un Belge !

D'un Aclot !

D'un habitué du coin !!

 

Et vous demandez si ça peut faire plaisir. les meilleurs commandes que j'ai pu recevoir en quinze année de commerce ne m'en ont jamais procuré autant. Car une lettre, c'est toucher par l'esprit quelqu'un que l'on aime. Et c'est bon !

 

Une page d'histoire nivelloise...

 

Échappé des G.V.C. par la grâce de Dieu et de la garde civile, j'étais de service à la sirène (bureau de police) le jour du bombardement, de midi à 6 heures. Le soleil est éclatant. Une chaleur inaccoutumée pèse sur la ville. Personne n'en pourrait donner la raison, mais une atmosphère de drame plane. J'ai vu Léon Disbecq et M. Neerinckx (marchand de gueuze) monter au poste d'observation du clocher. Nous sommes reliés par téléphone. Vers 1 heure et demie, Monsieur Ladrière, chef de la garde civile, me signale qu'il s'agit d'être très attentif et en alerte constante. Des événements se préparent. Je transmets la communication aux guetteurs. Ceux-ci en profitent pour me signaler qu'un avion de nationalité indéterminée vient d'atterrir au champ d'aviation. Simultanément, une escadrille d'avions allemands m'est signalée, se dirigeant vers Nivelles. Au même instant entre, dans le bureau de police, un étranger qui me demande d'être conduit chez le secrétaire communal.

 

Je lui fais remarquer que le moment est mal choisi, qu'il y a alerte, mais qu'il m'accompagne rapîdement. Je traverse la cour de l'hôtel de ville et lui indique l'escalier conduisant à la population. Puis, faisant demi-tour, je m'empresse de regagner le bureau du commissaire. Sept ou huit avions allemands survolaient déjà la ville en tous sens. Une détonation s'était déjà produite quelque part dans un faubourg, quand, brusquement, dans un fracas épouvantable, une bombe tombe aux environs de la Banque nationale. Je suis projeté au sol, renversé comme par un souffle titanesque. À proximité, la chute d'une masse énorme que je perçois malgré mon étourdissement, et le fracas de châssis, de verres et de tuiles me dégringolant sur le corps. Je me dégage. La statue Tinctoris gît sur le sol. Couché, décapité, la tête sur le seuil de la maison Wiringé, le compositeur, dans sa peau abracadabrante, a toujours osn crayon impassiblement braqué vers son livret.

 

Je me sauve dans le bureau de police.

 

Autour de nous, les détonations redoublent, des maisons s'embrasentn des façades s'écroulent. Je suis à genoux dans une embrasure de porte. L'adjoint Willame, arc-bouté sur mon dos, souffle comme une bœuf. Une bombe incendiaire explose devant le bureau, mettant le feu à une auto civile dont le réservoir saute aussitôt. Quelques détonations encore au loin. Je suis étreint par une angoisse terrible.

 

J'ai la gorge et les lèvres sèches. Que sont devenus les miens ? L'idée qu'un malheur a pu leur arriver me rend fou !! Je sors du bureau. L'hôtel de ville brûle aux corniches. Je m'engage sur la place Saint-Paul; des fils électriques traîne sur le sol. En face des cloîtres, une bombe incendiaire achève de se consumer, répandant une chaleur insupportable. Je regagne la Grand-Place. Partout, du plâtras, des ardoises, du verre, des décombres. En face de l'Union, une énorme flaque de sang déjà coagulé. la librairie Godeau n'est plus qu'un brasier (Adieu ! Toine Culot !). En face crépitent les maisons Dufer et Hanne ; les flammes partent des deux côtés de la place, se rejoignant en un dôme. Je traverse la fournaise en courant, la tête enfouie dans mon veston. Je veux m'engager rue de Namur : incendie des deux côtés. Je regagne la rue des Bouchers. Rue de l'Évêché, la pharmacie Gillis brûle.

 

Je cours, je cours ! J'arrive à la porte que je secoue avec frénésie. Personne ne répond. Quelqu'un vient enfin ouvrir. Je me précipite à la cave. Tout le monde est là ? Oui ! Pas de morts ? Non !! Je me sens défaillir. Mais mon Jacques, presque fou, s'accroche à moi : Papa !!! Pol serre sa maman. Sauvés !!

 

Et c'est la fuite, éperdue, sauvage...

 

Comment ?

 

Nous gagnons le faubourg de Charleroi par le boulevard Charles Van Pée. Nous arrivons à temps pour trouver une place sur un des camions de la brasserie Duvieusart. Et nous voilà, à du 80 à l'heure, sur la route de l'exil. Nous détaillerons plus tard.Passage difficile à la frontière. Étape dans les granges. Eau et pain sec pendant quatre jours. À Dreux, nous rejoignons par hasard tout le personnel de l'aviation de Nivelles (qui me ravitaille en tabac belge). Une dame en limousine nous recueille, errant sur le chemin, nous conduit à 5 km de là, dans une somptueuse villa à la Hollywood. Mystère ! Où sommes-nous ? Salle de bains. Eau courante chaude et froide. Des lits moelleux. Souper réconfortant et paroles encourageantes. C'est Madame Jean Gabin, fameux acteur de cinéma français, qui nous héberge. Oh ! douceur d'un cabinet anglais, avec chasse !

 

Encore quatre étapes au hasard des routes. Nous échouons à Grézillac (en Gironde)à 35 km de Bordeaux, et où nous séjournons huit jours... dans une barraque à poules, mise gracieusement à notre disposition. Coup de pied au derrière. Nous sommes dirigés d'office vers l'Ariège.

 

Mirepoix. Ville étrange du XIIe siècle. Maisons béquillardes, montées, la plupart du temps, sur piliers en chêne. Toits plats à tuiles roses. Bérets basques. Patois du Languedoc. Crieur public avec tambour. Des bœufs lents dans les rues, des chiens à la Walt Disney et des puces, des puces, des puces... Oh ! ces puces lubriques ! nous accompagnent. Madame et Mademoiselle Quinaux (bureau du téléphone Nivelles), Monsieur Horace Piret, sa femme, quatre enfants et belle-mère. Un des fils, Guy Piret, était dans votre classe. Ensuite, Monsieur Eugène Delattre, sa dame, leur fils, sa dame, les demoiselles Arcoly forment ici la colonie nivelloise. Madame Quinaux et nous-mêmes logeons dans un château au centre de la commune. Arrivés les premiers, nous bénéficions du meilleur logement : chacun une très grande chambre où nous pouvons cuisiner. Malgré toutes les attentions de leur mère, Jacques et Pol ont gagné très vite des allures de réfugiés.

 

Pour ma part, je me distingue par un vêtement taché, d'une amplitude désespérante (10 kg), un béret basque, des savates et une figure longue d'une aune. Emplois multiples n'ayant aucun rapport avec la photographie.

 

Trois jours dans un grenier à blé, à peser et lier des sacs de 100 kg. Plafonneur et peintre (deux jours) dans une infirmerie. Peintre en voiture automobile (1/2 jour). Professeur de dessin chez un particulier. Entre-temps, bûcheron le long de rivières, à la recherche de combustible.

 

De ma fenêtre, je vois les Pyrénées couverts de neige. Mais que sont ces Pyrénées à côté de notre Tienne Saint-Roch !

 

Nos valises sont faites depuis ce matin. Des ailes nous poussent, nous soulèvent déjà, gonflés que nous sommes tous d'un souffle léger d'espérance.

 

Dormir sur des ruines de chez soi, rebâtir, refaire sa vie, revoir nos pluies, nos brouillards, nos gens, nos cailloux qu'on ne croyait pas aimer tant, quelle bénédiction !

 

Je suis très heureux d'avoir des nouvelles des Nivellois que vous citez. je vais écrire à mon bon vieux Paul Lermignaux de qui je me figure les transes, quoique André puisse se trouver bien près. J'ai fait les même démarches (sans suites) pour deux jeunes gens me touchant de près. Ils doivent cependant se trouver en France. Il n'y a pas à désespérer.

 

Je cherche aussi Edgard Quinaux - Bureau des T.T. 55, rue de namur, Nivelles et Ernest Favresse - idem. Que sont devenus M. Warlier, Armand Charlier et sa famille ?

 

Cher Monsieur Pécriaux, au revoir. Je souhaite n'avoir plus le temps de vous écrire et de vous revoir à Nivelles, la plus belle ville du monde !

 

Octave Sanspoux

 

Avis de réquisitions du camion Duvieusart des 13 et 21 juin 1940 par la ville de Mirepoix
Réquisitions.pdf
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Photo prise en septembre 1940 à Mirepoix, la veille du retour vers Nivelles

  (Voir la photo de la même pièce, prise en 2010, ci-dessous)

 

Debout, de gauche à droite : Octave Sanspoux - Jules Delattre - Claude Delcourt (l'enfant, dans les bras de son père) - André Delcourt - Julia Corbisier (la maman de Suzanne Fontesse, derrière André Delcourt) - Horace Piret Jr - Marie Crespin (l'épouse d'André Delcourt) - Jacques Sanspoux - Rosa Daue (la mère de Jules Delattre) - Eugène Delattre (père de Jules) - André Duvieusart - Guy Piret - Arcoly (employée chez Duvieusart.

 

Assis, de gauche à droite : Francine Delcourt - Charlotte Quinaux - Denise Ruchart (épouse d'Octave Sanspoux) - Pol Sanspoux - Augusta Cologne (épouse d'Edgard Quinaux, resté en Belgique) - Andrée Genion (épouse de Jules Delattre) - ? - Suzanne Fontesse (épouse d'Horace Piret)

 

La photo a été prise en octobre 2010. C'est dans cette pièce qu'a été prise la photo du groupe des Nivellois hébérgés à Mirepoix, juste avant de repartir vers la Belgique. La porte à l'arrière-plan n'a pas été changée. Les tommettes sont toujours d'époque.

Le retour

Une petite colonie nivelloise est partie vers la France lors du Bombardement de Nivelles, en mai 1940, et sont revenus dans leur cité début septembre. Ils sont partis avec 3 camions de la brasserie Duvieusart et 3 voitures. Un seul des camions arrivera à Mirepoix. En route, les autres véhicules se sont probablement perdus de vue et seront dispersés ailleurs. Un autre camion arrivera également à proximité des Pyrénées.

 

Arrivés à Mirepoix, le camion Duvieusart a été réquisitionné par la gendarmerie française. Placé dans la cour de la gendarmerie, Horace Piret, le chauffeur, est allé le rechercher (en catimini ?), la veille du départ pour la Belgique. C'était un samedi soir. La colonie nivelloise hébergée à Mirepoix est repartie le dimanche matin, a roulé deux nuits d'affilée, et est rentrée à Nivelles le jeudi midi (voir carte postale ci-dessous). Sur le chemin, ils ont repris d'autres Nivellois. A Moulins, deux policiers sont montés dans le camion pour revenir avec eux à Nivelles.

Une carte postale envoyée en 1940

Surprenante, l'histoire de cette carte postale retrouvée par hasard !

 

En effectuant une recherche sur Internet, je suis tombé tout à fait par hasard sur un site de vente aux enchères qui annonçait une carte de Nivelles "photos Sanspoux" à vendre. Par curiosité, je me suis rendu sur la page du vendeur. J'aperçois une carte du parc de la Dodaine que je connaissais très bien, étant collectionneur de cartes postales de Nivelles. Je la possédais déjà. Elle ne m'intéressait donc pas. Je m'apprêtais à fermer la page lorsque je vis que le vendeur avait publié également le verso écrit de la carte. Alors que je ne lis que très rarement ce qui est indiqué au dos des cartes, je fus malgré tout attiré par la destination de l'envoi : "MIREPOIX" ! Je me suis dis, à ce moment : "Tiens, c'est justement là que mon grand-père a évacué en 40". Rien de bien exceptionnel, malgré tout. C'est alors que je vis l'adresse : Cours PONS TANDE. Là, je commencai à m'y intéresser un peu plus. C'est à cette adresse qu'avait été hébergée la colonie nivelloise. Curieux. Mon regard glissa ensuite vers le destinataire : Mlles Vaillant ! Il me revint à la mémoire qu'Horace Piret junior, qui se trouvait parmi les évacués, m'avait précisé, un jour, que celles qui les avaient hébergés s'appelaient Vaillant et que c'était deux demoiselles.  Je me mis donc, tout naturellement, à lire le contenu du texte. Quelle ne fut pas ma surprise, en arrivant à la fin, de voir qui l'avait envoyée : Octave Sanspoux, mon grand-père !

 

Voilà donc une carte qui a été envoyée à Mirepoix en septembre 1940, et qui est revenue à Nivelles en juillet 2010, presque 70 ans plus tard, dans les mains du petit-fils de celui qui l'avait écrite. Un heureux hasard.

 

La réception de cette carte m'a décidé à me rendre à Mirepoix, sur les lieux d'évacuation de la colonie nivelloise, en octobre 2010.

 

Philippe Sanspoux

 

 

Le texte

Mesdemoiselles,

 

Un mot pour vous annoncer notre heureux retour. Partis le dimanche, nous sommes arrivés à Nivelles le jeudi, à midi exactement, après avoir roulé sans interruption et sans dormir deux nuits. Toute la colonie de Nivelles réfugiée à Mirepoix a retrouvé chacun sa maison encore debout. Il manque encore environ 7 000 habitants dans la ville. Le ravitaillement est largement assuré, le coût de la vie n'a pas augmenté et le commerce marche rondement. Comme promis, je vous écrirai plus longuement plus tard. Les meilleurs souvenirs de nous tous.

 

O. Sanspoux

Retour aux sources, à Mirepoix, en octobre 2010

Après avoir retrouvé par hasard, en juin 2010, une carte postale qu'Octave Sanspoux avait écrite en septembre 1940 à son retour d'évacuation, envoyée aux demoiselles Vaillant à Mirepoix, je décidai de me rendre dans cette ville de l'Ariège, près des Pyrénées, sur les lieux où les familles nivelloises avaient été hébergées lors de leur exil forcé après le bombardement de Nivelles an mai 1940. je n'y étais jamais allé. Curieusement, quasiment 70 ans jour pour jour me séparait de cette période.

 

Après avoir passé 2 nuits dans un hôtel minable à Perpignan, je pris la direction de Mirepoix en voiture de location. Ville superbe d'un autre temps. Ciel bleu. Température idéale. Les boulevards de chez nous sont dénommés "Cours", dont le s est prononcé. Les Nivellois, dont Octave Sanspoux et sa famille, étaient hébergé cours Pons-Tande, dans un immeuble à deux étages, en forme de U, possédant cour intérieure. Mon but premier fut de le retrouver.Cette première étape fut relativement facile. Un seul immeuble identique dans cette rue me permis de le retrouver directement et d'entrer dans la cour intérieure dont le portail restait ouvert. Je possédais une photo montrant Octave Sanspoux et sa famille à l'une des fenêtres, prise de la fenêtre d'en face. A la fenêtre voisine, la famille Quinaux. Un moment d'émotion m'envahit à la vue de ces fenêtre. C'était bien là ! Un détail d'une lettre datée d'août 1940, écrite par Octave Sanspoux, précisait qu'il voyait les Pyrénées de sa fenêtre. Il était donc logé au 2e étage. la comparaison avec la photo en ma possession le confiram aisément.

C'est au 2e étage de cet immeuble que les familles nivelloises étaient hébergées en 1940. La photo du dessus a été prise en 2010. La photo du dessous représente Octave Sanspoux et sa famille dans ce même immeuble en 1940 (à gauche).

Entrée cochère donnant sur la cour de l'immeuble devenu, aujourd'hui un hôtel-restaurant de luxe

Des deux fenêtres du dessus, situées dans la rue latérale, les familles nivelloises avaient vue sur les Pyrénées

Vue sur les Pyrénées

L'immeuble accueille aujoud'hui un hôtel-restaurant de luxe tenu par des Hollandais et dénommé "Le Château royal". Je franchis la porte. Les propriétaires n'étant pas présents, je décidai de repasser en fin d'après-midi. Entre-temps, une visite à la mairie m'apprit, grâce à l'amabilité d'une employée, le nom de l'ancienne propriétaire. Mme Torr habitait toujours à Mirepoix et tenait un magasin d'antiquité. Je m'y rendis et fut très bien accueilli. Elle m'apprit qu'elle avait acheté l'immeuble vers 1970 et que celui-ci appartenait auparavant à la famille Brustier dont une des filles vivait toujours à Paris et était mariée à un peintre. Je n'appris pas grand-chose, sinon que les demoiselles Vaillant à qui avait été envoyée la carte postale écrite par Octave Sanspoux en 1940 à son retour à Nivelles étaient inconnue de cette dame.

 

Vers 16 heures, retour à l'immeuble. Je fus reçu par un des propriétaires hollandais qui se montra très vite intéressé par ma démarche. Il reconnut la pièce dans laquelle le groupe des Nivellois avait été photographié en septembre 1940, la veille de leur départ en Belgique. Il m'y emmena directement et me fit visiter les lieux.   

Vue vers les fenêtres d'en face

C'est dans ces pièces qu'était hébergée la colonie nivelloise

Le propriétaire me signale qu'une dame de Mirepoix s'est rendue dans son établissement une semaine auparavant pour fêter ses 80 ans. Elle lui a raconté que, dans les années 40, alors qu'elle avait une bonne dizaine d'années, elle était envoyée par sa maman dans cet établissement pour porter à manger à deux vieilles demoiselles, logées là par charité. Coïncidence ? Serait-ce les demoiselles Vaillant à qui Octave Sanspoux avait écrit en rentrant à Nivelles ? Il me donne son adresse et son nom : Mme Barousse. Je m'y rends directement. Mirepoix n'est pas grand. Je frappe à la porte. Une dame se présente. Après quelques brèves explications, cette dame se montre très intéressée de nouveau par ma démarche. Elle me demande de revenir le lendemain matin 11 heures. Elle doit s'absenter et n'a pas beaucoup de temps.

 

Je sens que je vais apprendre certaines choses. Comme convenu, je me présente le lendemain. Elle me fait entrer. D'emblée, elle m'apprend qu'en réalité les demoiselles Vaillant ne sont pas deux soeurs, comme on me l'avait dit, mais deux cousines germaines. L'une s'appelle Hélène Vaillant, l'autre Louise Colomb. La première était d'allure racée, autoritaire, distinguée, la deuxième plutôt écrasée par la personnalité de sa cousine. Elles n'étaient pas les propriétaires de l'immeuble comme je le pensais, mais étaient, elles aussi, hébergées. Elles étaient d'origine catalane. Madame Barousse me parle ensuite de deux soeurs qui faisaient partie de la colonie nivelloise, qui étaient hébergées par ses parents. Elle ne se souviens plus de leur noms. Je lui montre la photo de groupe les deux soeurs en lui donnant leur nom : les demoiselles ARCOLY. " Oui ! s'exclame-t-elle, c'est bien elles ". Et elle poursuit. L'immeuble appartenait aux SIRVIN. Ils n'ont eu qu'une seule fille qui a épousé un DE VIOLAINE. Elle est décédée dans un accident d'autobus. De son union sont nées deux filles dont une a épousé un peintre. Elle habiterait toujours à Paris.

 

Et voilà mon enquête et mes rencontres qui se terminent. Je suis satisfait. J'en ai appris un peu plus sur le séjour des Nivellois à Mirepoix, pendant leur exode forcé. J'ai vu, surtout, les lieux où ils ont vécu pendant cette période. J'ai rencontré une personne, Madame Barousse, qui les a probablement croisés. Elle avait 10 ans. Le voyage se termine. Sur la photo de groupe, 4 personnes parmi les 21 sont encore en vie en octobre 2010 : Horace Piret junior, Pol Sanspoux, Francine et Claude Delcourt.